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04/01/2024

Déchets de cuisine et de table : quelles solutions pour les petits producteurs ?

©Restauration21

Cet article est extrait d’un dossier sur les biodéchets en restauration à paraître dans le Magazine #11 de Restauration21 qui sortira à la fin du mois de janvier.

Entre le retard pris par les collectivités dans l’organisation du tri à la source et un faible maillage du territoire par les collecteurs, nombreux sont les professionnels à ne pas avoir de solutions pour leurs déchets de cuisine et de table.

Depuis le 1er janvier, comme tous ménages, tous les professionnels des CHR dits « petits producteurs de biodéchets », c’est-à-dire produisant moins de 5 tonnes par an de déchets organiques issus de la production et des restes d’assiettes, doivent les trier à la source pour les séparer des autres déchets (le tri à la source et la valorisation des biodéchets ont été imposés aux acteurs économiques produisant 10 tonnes au 1er janvier 2016, 5 tonnes au 1er janvier 2023). Objectif: la valorisation des déchets de table et de cuisine via le compostage et la méthanisation. Mais comment s’articulent les différentes étapes entre la poubelle de tri en cuisine et l’obtention d’un compost et d’un biogaz ?

Première solution: le compostage sur site en établissement qui implique l’intervention d’une personne qualifiée (maître composteur) qui maîtrise tous les paramètres de la montée en température et de l’hygiénisation du compost. Attention: il est interdit de se servir du compost ainsi obtenu (non normé) pour amender un potager à vocation professionnelle, dont les produits seront mis à la carte du restaurant. De même, la réglementation interdit de donner des déchets de cuisine et de table aux poules, lapins et autres animaux de rente dans un cadre professionnel. Les déchets d’origine animale engendrant un risque de contamination croisée, les biodéchets de la restauration sont considérés comme des sous-produits animaux de catégorie 3 (SPAn3). « Sur site, ils peuvent être traités par un maître composteur selon les règles définies par l’arrêté ministériel du 9 avril 2018 qui régit le compostage autonome en établissement » prévient Matthieu Pichon, membre du Réseau Compost Citoyen.

Collectivité ou prestataire ?

Seconde solution, vraisemblablement appelée à se généraliser: trier les déchets de table dans des bio-seaux pour les faire collecter par la collectivité ou un prestataire en charge de les valoriser.

Sur son site internet, le ministère de la Transition Écologique et des Territoires précise que si la collectivité le propose, le restaurateur peut être collecté en « assimilé » avec les biodéchets des ménages et être redevable en contrepartie du règlement d’une redevance spéciale. Cependant, elle n’en a pas l’obligation: « si la mairie, l’intercommunalité ou votre syndicat de gestion des déchets refuse de vous collecter, c’est à vous de trouver une solution ». Dans ce cas, le restaurateur doit souscrire une prestation de collecte et de valorisation auprès d’un acteur privé.

La mairie de la commune où ils sont implantés peut propose une collecte sélective aux professionnels des métiers de bouche. C’est par exemple, le cas de Saint-Lô Agglo (50) qui expérimente une collecte de biodéchets en porte-à-porte pour les professionnels et entités publiques. Les restaurateurs disposent de bacs de 120 litres, collectés une fois par semaine. Ils paient 103 € par trimestre, plus 2,50 € par bac mis à disposition pour 3 mois et 3,50 € par levée. Le bac destiné aux biodéchets remplace le bac des ordures ménagères où étaient précédemment placés les déchets organiques. Les professionnels ont le choix de faire appel à un prestataire privé s’ils préfèrent.

Prouver la traçabilité

« Les collectivités sont peu nombreuses à mettre en place le tri et la collecte en porte-à-porte, c’est-à-dire à proposer des bacs dédiés aux déchets organiques et un service de collecte. Le plus simple pour elles consiste à mettre en place des points d’apport volontaires destinés aux ménages, la question étant de savoir si les restaurateurs iront effectivement y déposer leurs déchets de table » souligne Mathieu Labro, cofondateur avec Alexis Lemeillet de Take a Waste. Dans ce cas, les professionnels n’auront aucun moyen de prouver la traçabilité des biodéchets dont ils sont responsables. Créée en 2018, Take a Waste conseille les professionnels pour la mise en place de la gestion de leurs déchets. Première étape: évaluer le gisement et les volumes de biodéchets pour définir le matériel de précollecte (bio-seaux, poubelles à pinces…), leur contenance (de 30 l à 120 l), la fréquence des collectes et la formation des équipes. « Dans le cadre de notre mandat de gestion, nous recherchons ensuite les prestataires qui répondent au mieux aux  aux contraintes définies avec lesquels nos clients contractualisent directement », poursuit-il. Dépendant de la qualité du diagnostic réalisé en amont, le coût supporté par le restaurateur peut varier du simple au double. Selon Mathieu Labro, la collecte hebdomadaire d’un bac de 120 l coûte 1500 € HT par an. Et elle passe de 800 € HT à 1000 € HT par an pour un bac de 30 ou 50 l.

5 à 10 centimes par repas

En Mayenne, l’entreprise Les Pieds sur Terre (membre du réseau Compost in Situ, lire encadré) qui collecte les « gros » producteurs, a développé une offre dédiée aux « moins de 5 tonnes par an ». Elle passe par des bio-seaux de 15 l et des collectes en mobilité douce sous-traitées par le Lièvre à vélo, capable d’adapter la fréquence de ses levées aux besoins des restaurateurs et de passer dans les rues du centre-ville de Laval.« Nous collectons 15 clients à vélo, des cafetiers, des restaurants traditionnels, des restaurants de burgers, des pizzerias. En moyenne, chacun produit 1 tonne de biodéchets par an » précise Anne-Sophie Bréhin, cofondatrice des Pieds sur Terre avec Maxime Hautbois. 1 tonne collectée et compostée est facturée environ 700 € HT, traçabilité et mise à disposition des bio-seaux comprises. « Pour un restaura­teur, je pense que cela représente entre 5 et 10 centimes par repas » poursuit-elle. Tous ses clients, gros et petits producteurs, sont sensi­bilisés au tri à la source, condition impérative pour réduire au maximum les erreurs de tri. « Les 10 tonnes que nous collectons par se­maine impliquent 8000 acteurs du tri en comptant les élèves des cantines ».

En un peu plus de 2 ans, les Pieds sur Terre ont développé un portefeuille de clients par­tenaires dont le centre hospitalier local du Sud-Ouest mayennais, 10 lycées, 5 Mac Do­nald’s, 2 Ephad ou encore l’entreprise Fruits & You dont ils collectent les déchets de pré­paration des granolas et crackers bio. Pour faire face à la croissance de son activité, le duo a investi début janvier un nouveau site où il réalise le compostage en andains dans les règles de l’art avec un agrément sanitaire.

Charles-Antoine Lelièvre, cyclo-logisticien, Anne-Sophie Bréhin cofondatrice Les Pieds sur Terre et Claire Jottreau de l’Épicerie les Cornichons. ©Les Pieds sur Terre

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Tri en cuisine

Après plusieurs semaines de test, le restau­rant Bioburger Batignolles (Paris 17e) sera collecté par Les Alchimistes. La tournée sera réalisée une fois par semaine à vélo, ce mode de déplacement ayant pesé dans la balance à l’heure du choix du prestataire. Dans ce site pilote parisien, un bio-seau a été disposé tout près de l’échelle des retours plateaux coté cui­sine, juste derrière la porte de séparation avec la salle. Avec l’utilisation de la vaisselle ré­utilisable (et donc de la disparition des conte­nants en carton), le tri en salle a été déplacé en cuisine. Objectif: réduire les risques de je­ter de la vaisselle à la poubelle et les erreurs de tri. Le restaurant parisien utilise en moyenne un peu moins de 2 bacs de 35 litres par semaine.

« Il s’agit des restes de plateaux, des déchets de production, des pertes éventuelles de mar­chandises, précise Lanna Dufour qui a supervisé pervisé les tests, nous avons une solution pour tous les restaurants du réseau ». De fait, les 12 franchisés ont le choix entre Les Alchi­mistes et Moulinot, tout comme les 9 suc­cursales à l’exception du restaurant grenoblois collecté par la Métropole de Grenoble et de celui situé à Strasbourg qui a signé un contrat avec Sikle. Côté coût, la facture oscille entre 130 et 150 € HT par mois pour la collecte auxquels s’ajoute un coût pour la mise en place.

Massification

En 10 ans, Moulinot a collecté 70 tonnes de biodéchets. Créée par Stephan Martinez, l’entreprise s’était fait connaître lors du test grandeur nature de collecte des biodéchets des restaurants parisiens menée par le Syn­horcart (aujourd’hui GHR) en 2014. Au­jourd’hui, il constate que « peu de restaura­teurs acceptent de payer pour se faire collecter ».

Selon lui, c’est aux collectivités de collecter les déchets organiques des métiers de bouche afin de massifier le gisement, seul moyen d’op­timiser les tournées.

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