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14/12/2015

Perrine Wardak : « L’éco-responsabilité des professionnels de la restauration va au-delà de la lutte contre le réchauffement climatique »

A quoi ressemblera la restauration de demain ? La 3e édition de L'Rdurable a démontré à Rennes (35),  fin novembre, que l'avenir de la restauration passe par le Développement durable.  Quelles leçons tirer de ce dernier opus ? Le point avec sa créatrice, Perrine Wardak (sur la photo, entourée d'Olivier Roellinger et de Régis Marcon) sur les enjeux à venir  pour  la profession.

 

Perrine WardakRestauration21 – Quel est le bilan de cette 3e édition, la première délocalisée en région  ?

Perrine Wardak – Je suis vraiment ravie de cette troisième édition !  Premier opus en région, premier marché de producteurs, premier événement sur 2 jours, il y avait pas mal de nouveauté pour cette édition et le bilan est très positif et ce malgré le froid et un contexte un peu morose pour le secteur. En effet, le marché a attiré un flux constant de visiteurs, particuliers et professionnels confondus et a permis des échanges très qualitatifs. Les déjeuners, l’un autour de la frigousse rennaise et l'autre fait de cochons grillés et de légumes issus de la filière de récupération, ont été un succès et ont chacun réunis une centaine de personnes. Les débats ont été suivis par une cinquantaine de professionnels et journalistes. Enfin, 120 personnes étaient au rendez-vous du dîner de clôture.

L'un des débats concernait  la contribution du restaurateur dans la lutte contre le réchauffement climatique. D'après vous, les restaurateurs sont-ils «mûrs» pour endosser ce rôle ou est-ce le fait seulement d'une poignée de professionnels experts ?  Comment contribuer à vulgariser le rôle éco-responsable du professionnel ?

 

«Nous avons tous un rôle à jouer, à titre personnel comme professionnel, chefs et restaurateurs inclus».

 

P.W.- Le réchauffement climatique est un sujet qui nous concerne tous et auquel nous avons été  particulièrement sensibilisés à l'occasion de la COP21. Si l'accord passé pas les états est encourageant et permet d'espérer des actions au niveau gouvernemental, il faut garder à l'esprit que nous ne pouvons pas rester passifs et attendre les résultats. Nous avons tous un rôle à jouer, à titre personnel comme professionnel, chefs et restaurateurs inclus. Il y a en effet quelques «experts» très engagés qui font un gros travail de défrichement et de sensibilisation – comme François Pasteau ou David Royer et par exemple – mais je ne pense pas que ce soit les seuls à pouvoir faire quelque chose. Il n'est pas question de transformer les chefs en activistes mais de faire en sorte qu'ils incluent des critères de lutte contre le réchauffement climatique  dans leur prise de décision et pour cela, je pense  que tous sont mûrs car aucun ne peut aujourd'hui ignorer l’importance de ce sujet.

 

L’éco-responsabilité des professionnels de la restauration va plus loin que la lutte contre le réchauffement climatique puisqu'elle touche à des dizaines de thématiques. A mon sens, la vulgarisation peut aider mais n’est pas l’unique clef d’engagement des professionnels. Selon moi, les actions les plus efficaces sont mises en place quand la thématique est maîtrisée et donc une autre clef consiste à mettre le doigt sur la thématique qui parle à chaque professionnel – et ce à partir de leur sensibilité, contexte, moyens…- puis de les accompagner à mettre en place les actions suivantes associées.

La crise économique et la baisse de la fréquentation freinent-elle ce virage vers la restauration responsable ? Au contraire, constituent-elles des leviers pour accélérer la transition ?

Bien sûr certains expliquent leur manque d’engagement par la conjoncture difficile mais c’est un raccourci que je ne comprends pas. Tout d’abord, il y a des actions qui ne demandent pas d’investissement tout en ayant un impact important. Pour d’autres, dès que l’on pense à long terme plutôt que de se focaliser sur l’immédiat, on se rend compte que l’investissement est rentable.

De plus, les consommateurs sont de plus en plus informés et sensibles à l’engagement des restaurants et donc une démarche sincère et transparente est un point positif qui permet d’attirer une clientèle avertie mais aussi et surtout de créer des échanges supplémentaires avec les consommateurs, ce qui participe à leur  fidélisation.

 

Le maillon producteur-restaurateur est-il suffisamment fort ? En quoi la logistique est-elle déterminante ?

 

«La question de la logistique est centrale aujourd'hui, d'un  point de vue organisationnel, budgétaire et environnemental».

P.W.- Les tendances bistronomiques et locavores ont renforcé le lien producteur-restaurateur et montré que les échanges entre ces deux artisans sont généralement très bénéfiques: quand ils se comprennent mieux, le produit est plus adapté au cuisinier qui le travaillera de façon plus cohérente avec le travail du producteur. C'est donc un lien essentiel pour la qualité d'un restaurant. Bien sûr,  ce lien est forcément différent d'un restaurant à un autre et d'un type de restaurant à un autre. On attend aujourd'hui d'un restaurant gastronomique qu'il se fournisse directement chez ses producteurs, triés sur le volet voire exclusifs. L'exigence ne peut être la même pour une brasserie à gros volumes.

 

La question de la logistique est centrale aujourd'hui, d'un  point de vue organisationnel, budgétaire et environnemental. La relation producteur-restaurateur est une chose mais n'oublions pas que si les grossistes et centrales d'achats se sont développés et restent aujourd'hui des acteurs majeurs du secteur c'est qu'ils répondent notamment à ces besoins de livraison optimisées et de réduction des coûts par le volume. Mais ces acteurs peuvent aujourd'hui aller plus loin et créer le lien entre les producteurs et les restaurateurs en repensant leur fonctionnement. C'est ce qui s'est passé par exemple pour cette troisième édition de L'R Durable quand Brake, sponsor de l'événement, m'a mise en relation avec Bretagne Lapins qui a fait découvrir le lapin Noir de Kervor à Béatriz Gonzalez.

Bien sûr, quand un cuisinier a la possibilité d'aller lui même voir ses producteurs, sur le marché ou dans son exploitation, c'est fantastique mais cela peut être à la fois chronophage et parfois même peu intéressant sur le plan environnemental (en fonction de son véhicule, de sa façon d'optimiser ses trajets,…). L'idéal serait d'organiser une tournée générale optimisée.

 Quelle suite pour l'R Durable ? Dans quelles mesures est-il possible de pérenniser cette manifestation et d'en faire un  rendez-vous régulier ?

 

P.W.- Mon ambition pour L'R Durable est d'en faire à la fois une vitrine et un laboratoire pour la restauration responsable,  de rassembler toujours plus de professionnels et de consommateurs pour partager des valeurs, des convictions et des idées, initier des projets, sensibiliser le plus grand nombre et montrer que la restauration responsable n'a rien de rébarbatif et ne touche pas à l'identité culinaire d'un restaurant. Pour cela, les prochains événements de L'R Durable sont déjà en préparation, à Paris, à Rennes mais aussi dans d'autres régions ainsi que sous d'autres formats afin de pouvoir donner aux professionnels, où qu'ils soient, un maximum d'outils pour s'engager. La restauration responsable est une démarche de progrès qui se nourrit de l'échange et du partage d'expériences, aussi je suis convaincue que le mouvement peut se développer et que les événements L'R Durable peuvent devenir des rendez-vous importants pour le secteur.

Comme pour beaucoup de projets néanmoins, le frein à son évolution est son financement. Après 2 ans d'existence et 3 éditions réussies, L'R Durable à besoin du soutien financier d'organisations qui croient en l'avenir de la restauration responsable et à son potentiel.

 

 

Photo©Restauration21.fr

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